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Lire et faire lire

Quand l’enfant apprivoise le livre : histoire d’une rencontre

Lire : une évidence ? Nous l’avons peut-être oublié, nous qui lisons ces mots, mais la lecture est une conquête, le fruit d’un véritable apprentissage. La rencontre progressive entre un individu et des sonorités, un aller-retour entre les mots et la pensée.
Pour beaucoup trop d’enfants néanmoins, c’est un rendez-vous manqué ou trop peu fréquent : le « Livre » devient alors un étranger. Comment accepter que des enfants en soient privés alors que cette passerelle vers la pensée d’autrui favorise l’ouverture sur les cultures, la solidarité, la compassion ?
Conscient cet enjeu éducatif et culturel majeur, la Ligue de l’enseignement s’est donc naturellement saisi de la question en mettant en œuvre des projets sur le département des Bouches-du-Rhône.
Rencontre avec Géraldine Masson-Martin, Coordinatrice des projets lecture à la Ligue de l’enseignement des Bouches-du-Rhône et Maïté Guillet, Animatrice du réseau Lire et faire lire.

 

Comment la Ligue de l’enseignement des Bouches-du-Rhône s‘est-elle saisi de la question de l’objet « livre » et de la problématique de la « lecture » chez les enfants ?

Dès le début, nous avons tenu à développer Lire et faire lire, un programme national dont l’objectif est de développer le plaisir de la lecture et les rencontres intergénérationnelles, avec pour ambition de lutter contre l’illettrisme et de toucher tous les enfants, y compris ceux qui se trouvent en situation d’éloignement de la lecture.

Concrètement, ce dispositif propose à des petits groupes d’enfants volontaires des séances de lecture animées par des lecteurs bénévoles en général âgés de plus de 50 ans, qui interviennent une fois par semaine à l’intérieur des écoles pendant le temps scolaire, semi-scolaire ou périscolaire.

 

De quelle manière s’est développé Lire et faire lire dans le département ?

Dès la création du réseau Lire et faire lire, la Ligue de l’enseignement13 a porté l’ambition de développer ce programme au sein des quartiers prioritaires. C’est une volonté très forte de la part de ceux qui ont porté cette dynamique comme Grégory Brandizi, Responsable du secteur Education et Citoyenneté à la Ligue, ou même de Suzanne Guilhem, sa Présidente, depuis toujours bénévole au sein du réseau Lire et faire lire.
Ce projet a dès le début été clairement soutenu par l’équipe dirigeante convaincue de l’importance de la culture pour notre mouvement, et d’une Présidente qui connait bien le dispositif, en fait partie et a à cœur de le défendre et de le valoriser.
Aujourd’hui, le réseau Lire et Faire Lire en Bouches-du-Rhône représente un réseau de 400 bénévoles et d'une centaine de structures. Ce sont en moyenne 2 000 enfants qui sont touchés chaque semaine par ce programme. Grâce au soutien de bénévoles relais, Lire et Faire Lire a su créer un réseau social dynamique, favorisant ainsi l’implantation et la réussite du dispositif sur le territoire.

 

Quelle dynamique Lire et faire lire a pu impulser ?

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La ligue de l’enseignement des Bouches-du-Rhône a pris le parti de développer une offre de formation autour de la lecture. Il faut savoir que les métiers de l’animation sont souvent très éloignés des enjeux de la lecture et de la culture en général, donc on pensait qu’il était important de développer cet aspect.

Nous avons proposé pendant trois ans, au sein de notre centre de formation (le C.F.R.E.P), un « BP JEPS Loisirs Tous publics, spécialité lecture », une formation au métier d’animateur de loisirs avec une unité de spécialisation lecture. Le but de cette formation était de développer des actions d’animation favorisant le support livre et la lecture au sein des Accueils Collectifs de Mineurs (ACM) et sur les temps périscolaires, d’encourager l’utilisation du livre au sein des structures et de donner des outils concrets pour utiliser le support du livre.
J’interviens pour former les animateurs de notre réseau et les animateurs professionnels de demain.

Il s’agit aussi également de proposer des formations aux bénévoles de Lire et faire lire, de façon à ce qu’ils maitrisent au mieux les techniques de lecture à voix haute et qu’ils disposent de repères de base dans l’univers de la littérature jeunesse, et qui sont pour certaines ouvertes aux structures partenaires du réseau et portées par la Ligue de l’enseignement. Un réseau de formateurs qualifiés intervient auprès des bénévoles et des animateurs afin de les accompagner dans leurs actions de médiation autour du livre. Les thématiques des programmes concernent par exemple la psychologie de l’enfant, la lecture en quartiers prioritaires, la lecture à voix haute...
Pour finir, nous formons aussi des réseaux partenaires comme les crèches municipales d’Aubagne et certains membres de l’Education Nationale.

 

Pourquoi est-ce important de développer des projets autour du livre spécifiquement dans les Bouches-du-Rhône ?

Il faut savoir que Marseille possède un réseau de lectures publiques municipales équivalent à la ville de Toulouse ! Pour pallier ce manque, un réseau associatif s’est constitué et la Ligue de l’enseignement travaille avec et en complément de ce réseau. Elle accompagne toutes les structures au cœur des quartiers pour monter différents projets culturels, créer des espaces lecture, permettre à des volontaires en service civique d’intervenir chaque semaine pour mettre en place des ateliers.
L’objectif derrière cet accompagnement est de développer dans ces lieux une nouvelle approche de la lecture et un accès à la culture, mais surtout de proposer des clefs, de créer une émulsion pour que les salariés de ces structures puissent se réapproprier par la suite et proposer de manière autonome cette cette médiation entre un public éloigné et le livre, sans avoir besoin de nous.
Notre ambition, à partir de tous ces projets, c’est de s’appuyer sur le livre pour recréer une vraie politique culturelle.

 

Comment cette politique culturelle s’inscrit-elle cœur de valeurs portées par la Ligue de l’enseignement ?

L’enjeu de ces différents projets est celui de l’émancipation, du développement de soi ; c’est de permettre aux enfants de sortir de leur quotidien, de s’évader, de partir à la rencontre d’un ailleurs, plus esthétique, plus beau, et très peu d’outils autre que le livre permettent tout ça à la fois.
La dimension culturelle est très liée à l’histoire de la Ligue. On se souvient des premières bibliothèques de rue, aux bibliothèques de régiment, et à tous ces projets qu’elle a porté depuis sa création. C’est quelque chose qu’il ne faut pas perdre de vue, malgré les difficultés économiques actuelles. Car l’éducation populaire sans la dimension culturelle n’est à mon sens plus de l’éducation populaire. Seules des associations d’éducation populaire permettent une médiation de l’objet culturel aux côtés de l’école et pas seulement à travers elle.
L’ouverture culturelle permet de mieux vivre la solidarité, et la rencontre intergénérationnelle se place dans une logique de solidarité. La littérature, très diverse, offre un regard plus large et complet sur le monde et permet de mieux le comprendre, d’y vivre de manière plus complète parce que moins ignorant. Ce qu’on propose, c’est une rencontre avec le Livre. Notre ambition, c’est que chaque enfant, salarié, bénévole, chaque personne croisée trouve le livre qui le fera devenir lecteur, et ça peut passer par tout type de littérature et toutes sortes de rencontres. Ecrire dans un atelier de SLAM et découvrir la poésie, par exemple.

Si tu trouves un livre qui te touche, tu trouveras toujours un moyen d’entrer dans le monde. Pour être un citoyen éclairé, il faut connaître, comprendre et surtout aimer le monde que tu traverses.

En quoi est-ce si important d’être lecteur ?

Parce que si tu trouves un livre qui te touche, tu trouveras toujours un moyen d’entrer dans le monde. Pour être un citoyen éclairé, il faut connaître, comprendre et surtout aimer le monde que tu traverses. Or, la littérature reflète les mille facettes du monde et permet donc de porter un regard différent sur celui-ci, de s’ouvrir à sa diversité et à sa richesse et d’en devenir un membre à part entière.


Justement, sur quels critères sélectionnez-vous les livres présentées pendant les formations et les séances de lecture ?

Au cours des formations dispensées aux bénévoles, on leur propose des bibliographies, mises en ligne sur notre site internet. La sélection des livres est faite à partir des rencontres d’auteurs autour de la littérature jeunesse avec Maïté Guillet, animatrice du réseau. La littérature jeunesse est très foisonnante à Marseille, il existe un gros réseau d’auteurs sur le territoire, facilement accessibles.

Dans la littérature jeunesse, chaque livre contient un message, il existe depuis les années 80 un réel engagement de la part des auteurs pour transmettre une vision du monde et un engagement citoyen. Ils sont engagés pour défendre le rêve, la belle littérature, valoriser la création artistique, développer la notion de vivre ensemble. Nous ne proposons pas Martine ou Tchoupi mais nous valorisons plutôt certaines maisons d’édition, certains auteurs pour leur qualité artistique et le message qu’ils portent. Même si toute forme de littérature est bonne à prendre en tant que premier levier, on cherche à tendre vers une littérature qui dit quelque chose, qui a du sens.
Par exemple, j’aime beaucoup les éditions Rue du Monde créées par Alain Serres, qui soutient une démarche engagée sans tomber dans le militantisme politisé, et qui soutient l’idée : « J’ai envie de vous faire découvrir le monde que j’ai découvert. » Quand ses auteurs écrivent, c’est sur Malala, les poilus de la grande guerre, Martin Luther King, ils écrivent d’après un regard, une ouverture sur le monde. C’est cette maison d’édition que je passe mon temps à amener, à montrer et à défendre. Le livre est un lien entre le monde extérieur, l’auteur, le lecteur bénévole et l’enfant : chacun s’enrichit mutuellement. Ce qui est important, c’est d’apporter aux enfants un livre qui les marque. Par le livre, c’est toute la culture qui transparait.

 

Quelles sont les perspectives à venir pour la politique culturelle de la Ligue de l’enseignement ?

Nous souhaitons développer une logique de rencontre entre les auteurs de littérature jeunesse et les enfants, parce que notre société a besoin de ce rapport humain au-delà de l’objet du livre lui-même. Les projets futurs tournent autour cette rencontre avec les personnes qui produisent : ateliers, résidences d’artistes, créations numériques, rencontre avec des journalistes.
L’autre enjeu majeur, c’est de faire le lien entre la littérature et le numérique. C’est notre parti pris que de dire que ces deux outils se répondent et se complètent, contrairement à la vision commune qu’on peut en avoir.

Le numérique est présent dans la vie des enfants, c’est un fait. Ce qu’il faut faire à présent, c’est leur montrer son potentiel. Il faut se servir de cette culture qu’ils ont déjà pour faire le pont avec d’autres cultures, comme le livre.

C’est pourquoi Isabelle Dorey, Déléguée Générale de la Ligue de l’enseignement des Bouches-du-Rhône, a souhaité renforcer l’importance du Festival Des Clics & des Livres, qui lient vraiment ces deux ambitions pour le futur. (+ d’infos sur desclicsetdeslivres.fr).

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