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Lire et faire lire

Il était une fois, la lecture en quartier prioritaire ...

Mardi 9 Janvier, les bénévoles de Lire et faire Lire qui interviennent tout au long de l’année dans différentes structures socio-éducatives du département des Bouches-du-Rhône se sont rassemblés au Centre social de l’Estaque. Toute la matinée, ils ont participé à une formation sur la lecture en quartier prioritaire.

Un temps d'échange convivial et participatif, animé par Géraldine Masson-Martin, coordinatrice du réseau Lire et faire Lire des Bouches-du-Rhône et Maïté Guillet, animatrice du réseau.

Lire et faire Lire œuvre pour développer le gout de la lecture chez les plus jeunes, leur contact avec les mots et les images pour leur montrer que la lecture n’est pas qu’une activité scolaire mais qu’elle est aussi une source inépuisable d’imagination et d’évasion. Elle défend l’idée d’aborder l’apprentissage de la littérature par le biais du plaisir, se bat pour promouvoir le rôle social que peuvent jouer les seniors tout en profitant de la richesse des échanges intergénérationnels. Les bénévoles de Lire et faire Lire ont à cœur de transmettre à tous ces jeunes leur passion de la littérature et de partager avec eux des moments de complicité autour d’albums et de romans. Elle compte 410 bénévoles qui interviennent dans plus de 200 structures et plus de 30 communes à travers tout le département des Bouches-du-Rhône.

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Qu’est-ce qu’un quartier prioritaire ?

Les interventions de Lire et faire Lire se concentrent particulièrement sur les quartiers prioritaires, étant donné que ces derniers occupent une place importante dans la région PACA qui intègre sur son territoire le plus grand nombre de ces quartiers en France métropolitaine.
Un million d’habitants vivent au quotidien dans l’un des 282 quartiers prioritaires de la région, soit un habitant sur 5 d’après l’INSEE. Parmi ces quartiers, 36 d’entre eux font partie de la classe des territoires aidés les « plus en difficulté » de France métropolitaine. Plus de 180 000 personnes y résident, soit 19% de la population régionale des quartiers prioritaires (contre seulement 5% au niveau national). Parmi ces 36 quartiers en plus forte difficulté, 25 sont situés à Marseille et le troisième arrondissement est même reconnu comme étant le plus pauvre d’Europe.
Les quartiers prioritaires sont des dispositifs de la politique de la ville française qui ont pour objectif de réduire la complexité des zones socialement défavorisées. Ils sont découpés sur le territoire en fonction de la concentration en pauvreté définie par l’INSEE, qui compare le revenu des habitants au revenu médian de référence. Ainsi, un quartier prioritaire se définit avant tout comme un périmètre dont le revenu médian est très inférieur à celui de son unité urbaine d’appartenance.
Ces quartiers sont caractérisés par une population fréquemment touchée par la précarité, plus jeune en moyenne que dans la population urbaine, composée en grande partie de familles monoparentales, nombreuses, d’origines étrangères et peu diplômées. Au-delà de la pauvreté monétaire, la population des quartiers de la politique de la ville présente des fragilités dans plusieurs domaines. Notamment, elle s’insère difficilement sur le marché du travail et manque de formation et de qualification.

Les enfants auprès desquels interviennent les bénévoles sont très souvent issus de ces milieux spécifiques, et parfois confrontés à des difficultés liées à ce contexte.
Cette formation s’est donc donnée pour objectif de s’approcher au plus près des réalités concrètes du quartier prioritaire et de ses habitants, au-delà des clichés et des représentations habituelles, afin de réfléchir collectivement sur la posture et l’approche des bénévoles.
Dans un premier temps, ils ont été invités à réfléchir ensemble sur la définition et les différents enjeux de ces quartiers à travers un quizz dont les réponses servaient de support au débat. Mieux comprendre les milieux dans lesquels vivent ces enfants, la manière dont ils influencent leur développement, leurs capacités d’apprentissage, leur vision du monde et de la société : des réflexions essentielles qu’il est important de se poser et de s’approprier pour nos lecteurs parfois confrontés aux retards ou aux décrochages scolaires, au sentiment d’abandon et d’indifférence, à la violence, aux difficultés d’apprentissages et de développement que rencontrent souvent ces enfants. Il faut savoir que 12% des enfants ont décroché du système scolaire en 6ème, et que la part de redoublement en quartier prioritaire reste la plus importante en France.
Mais alors, quel est le rôle des bénévoles et comment peuvent-ils agir par rapport à cette réalité ? 

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Créer du lien et des ouvertures

Les bénévoles ont d’abord l’opportunité d’intervenir auprès des enfants dès leur plus jeune âge, dans les crèches, et par conséquent d’avoir un impact direct sur leur développement dès leur rencontre avec la société en dehors du cercle familial. C’est un avantage de taille puisque cela permet aux intervenants de familiariser les enfants très tôt à la lecture, de les aider à se construire et d’enrichir le regard qu’ils vont porter sur le monde et sur eux même en grandissant.

D’autre part, en adaptant leur posture à cette réalité, en se confrontant à ces problématiques, les bénévoles peuvent proposer aux enfants de lutter avec eux contre la sensation d’abandon et d’indifférence, apaiser la violence par la bienveillance, la patience, leur apporter un regard, une expérience, créer un lien, une ouverture sur le monde.

Les jeunes de 6 à 18 ans issus de ces quartiers ont en effet très tôt la perception qu’ils n’ont pas les mêmes chances que les autres, et se sentent souvent exclus d’une société dans laquelle ils peinent à trouver leur place.
Ce sont des enfants dont la confiance est souvent ébranlée, qui peuvent se sentir pris au piège d’un mur qui les enferme dans leur milieu. Le rôle des bénévoles est alors d’ouvrir des portes, de proposer des lectures qui soient comme des fenêtres ouvertes sur l’extérieur et l’avenir... et qui laissent passer un vent d’espoir. Des histoires où tout devient possible, parce que les personnages de ces histoires sont des héros qui apprennent à se libérer des pièges, qu’ils font partie d’univers différents, parce que l’imagination est souvent créatrice et libératrice...

« Pour moi, lire c’est donner du merveilleux, une ouverture sur le merveilleux », confie une des bénévoles durant ce temps d’échange.

Par petits groupes, ils ont été invités à échanger sur leurs expériences personnelles, le sens qu’ils donnent à leur mission et les questions qu’ils se posent. « Comment réagir à la violence d’un enfant ? », « Faut-il éviter de parler de thématiques liées à la religion ? », « Faut-il expliquer le sens exact des mots ou laisser les enfants construire leur propre sens ? »

Faire parler les mots Best bénévoles Lire et faire lire formation lecture en quartiers prioritaires 4

Des questions difficiles, étant donné qu’il est presque impossible d’avancer une vérité ou une quelconque marche à suivre. Il n’existe tout simplement pas de manuel auquel se référer pour trouver des réponses. Géraldine Masson-Martin, qui a longtemps travaillé auprès des enfants avec Lire et faire Lire, partage son expérience avec les bénévoles. A partir des différents témoignages et discussions qui nourrissent le débat, certains points particuliers sont abordés. 

« Raconter une histoire, c’est avant tout faire écouter une mélodie imaginée par un auteur. » Les bénévoles ne sont pas là pour imposer un sens ou une définition, mais pour permettre aux enfants de construire leur propre sens à partir de cette mélodie, au-delà de toute visée pédagogique, et de comprendre le monde à leur façon. Par exemple, si le mot « réverbère » n’est pas compris par un enfant, là où l’enseignant s’appliquerait à définir ce point de vocabulaire, l’intervenant lui ne cherche pas forcément à expliquer le mot.

L’objectif est plutôt de laisser l’enfant le contextualiser dans une histoire à travers la mélodie et lui attribuer un sens au fur et à mesure des lectures. Excepté le cas où l’histoire demeure incompréhensible pour lui à cause d’un mot en particulier, qu’il convient dans ce cas de définir, laisser des portes ouvertes sur l’imaginaire et permettre à l’enfant de comprendre par lui-même sont les traits qui distinguent le bénévole intervenant de l’enseignant. « On recherche des mots qui parlent avant de faire sens. »

« Et je vous raconterai toutes les histoires du Monde... »

S’est posée également la question de la religion, souvent pointée du doigt par les enfants heurtés par certaines thématiques. Même si les bénévoles interviennent à travers une démarche laïque, et ne font pas état de leurs opinions politiques, religieuses ou morales, quelques sujets demeurent sensibles pour certains enfants, (par exemple, la question du corps) Les bénévoles s’interrogent : faut-il alors tirer pleinement parti de cette liberté dont ils jouissent concernant les lectures, ou bien choisir avec précaution leur contenu de manière à ne proposer que des histoires dans lesquelles les enfants se reconnaissent, et qui n’amèneraient pas ces sujets-là ? Là encore, aucune véritable réponse ne peut être avancée, c’est une question qui reste ouverte et propre à chacun.
Cependant Géraldine Masson-Martin défend l’idée selon laquelle l’ouverture recherchée à travers les lectures est perdue si la censure est appliquée quant au choix des propositions. Si le but est vraiment d’ouvrir les enfants à de nouvelles perspectives et de nouveaux rêves, se cantonner à ce qu’ils connaissent et ce qui fait déjà partie de leur environnement, c’est comme tourner en rond dans un espace clos. Choisir des sujets qui les amènent à réagir, sans jamais chercher à les convaincre, les juger où remettre en cause leurs croyances, mais seulement leur proposer autre chose, c’est leur montrer que le monde ne se résume pas seulement à la réalité de leur quartier. Qu’il est multiple, riche et diversifié, et qu’ils font partie de cette multitude et de cette richesse. C’est ouvrir la discussion et faire circuler les idées, ne pas leur couper un bout du monde. 

Cultiver l’émotion Bénévoles Lire et faire lire formation lecture en quartiers prioritaires 2

Un autre point abordé est celui de la question des émotions qui s’expriment au moment de la lecture. Le temps de la lecture dans une journée scolaire est un moment particulier pour l’enfant, une parenthèse qui se situe en dehors de la classe et de la famille. Parce que c’est un temps d’ouverture justement, il arrive souvent que les enfants choisissent ce temps pour « régler » ce qui ne peut l’être dans la classe ou à la maison. Les bénévoles observent souvent une agitation, parfois même de la violence entre les enfants, qui peut être difficile à apaiser.
Il arrive qu’un enfant soit touché par une histoire, et se mette à crier, pleurer, ou rire... Plutôt que de les censurer, l’enjeu est de permettre leur expression, de permettre aux enfants de se connecter avec cette part d’eux même révélée par l’histoire, d’accompagner ces émotions pour leur permettre de trouver une porte de sortie.
Qu’est ce qui se cache derrière la violence d’un enfant ? Quelles choses n’a t-il pas pu entendre, ou pas pu dire ?

Chercher à atteindre cette connexion entre le livre et l’enfant, l’enfant et lui-même, c’est au fond ce que l’on recherche avec Lire et faire Lire, car l’émotion qui passe de la mélodie de l’auteur jusqu’à l’enfant qui l’écoute et la fait sienne, est celle qui va permettre de vraiment le toucher et l’aider à grandir. Difficile de changer les choses et de régler tous les problèmes, mais être bénévole, c’est avant tout participer à cette dynamique et à cette énergie globale.

« Chaque lecture est une graine que vous semez. Cela ne va pas changer le monde du jour au lendemain, mais pour un enfant, ça peut changer beaucoup de choses. »

Rire, pleurer et crier avec les enfants, c’est nécessaire oui, parce que c’est cela qui crée le lien, le lien qui trop souvent leur manque. Le lecteur, en tissant ce lien, propose un repère extérieur, une expérience, une présence humaine, attentive et bienveillante, un peu comme un réverbère qui éclaire une rue trop sombre. Et surtout, avant même de leur donner de l’amour pour la lecture, leur redonner de l’amour pour eux même ...

« Parce qu’il faut qu’ils s’aiment ces gamins-là. Pour aimer les autres, aussi. »

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