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A propos de l'éducation populaire
Suzanne GUILHEM, présidente de la Ligue de l'enseignement - Fédération des Bouches-du-Rhône, nous propose de revoir nos connaissances sur l'éducation populaire.
Sans faire une étude historique de ce courant de pensée quelques points qui me paraissent importants. C’est au XVIIIème siècle, à l’époque des Lumières que l’on fait communément remonter l’origine de l’idée d’une « éducation populaire ». Dans un contexte de lutte contre l’obscurantisme et l’emprise de l’Église catholique en France, se diffuse l’idée de la nécessité d’une éducation de toutes et tous, et, en l’occurrence, du peuple, par le peuple, pour le peuple. Ce sont les prémices de l’idée d’éducation d’action directe, les écrits tout particulièrement de Condorcet en témoignent. Au XIXème siècle, marqué en France par les révolutions de 1830, 1848 et 1871, naissent trois courant qui pratiquent, chacun à leur façon, une forme d’éducation populaire :
- un courant laïc républicain
- un courant chrétien social,
- et un courant ouvrier et révolutionnaire.
À la suite de Condorcet, le courant laïc républicain estime qu’il faut faire reculer l’obscurantisme entretenu par l’Église pour établir solidement une République. Se créent alors les grandes associations laïques qui visent à développer l’éducation pluridisciplinaire des adultes pour créer les conditions du progrès social. En 1866, la Ligue de l’enseignement est, créée par Jean Macé, journaliste républicain et auteur d’ouvrages de vulgarisation scientifique, il n’aura de cesse alors de considérer que, pour garantir la Démocratie, « il faut combattre l’ignorance ». Sa devise : « Faire penser ceux qui ne pensent pas , faire agir ceux qui n’agissent pas , faire des Hommes et des femmes de citoyen, citoyennes » .
En 1871, la Commune de Paris décrète certaines réformes, parmi lesquelles l’enseignement laïc et gratuit, ainsi que l’enseignement professionnel assuré par les travailleurs eux-mêmes. Dix ans plus tard, Jules Ferry créera l’école républicaine
L’ordonnance du 2 octobre 1943 crée l’agrément « Jeunesse et éducation populaire ». Les associations qui l’obtiennent se placent de fait sous la tutelle de l’État, et peuvent obtenir des subventions. C’est le début d’une institutionnalisation qui sera reconduite après la Libération et qui se poursuit jusqu’à nos jours. Or si la reconnaissance de l’Etat et des collectivités entraîne la création de droits, la construction d’infrastructures, des subventionnements, nous devons rester vigilants à ce que nos structures, nos mouvements d’éducation populaire ne s’éloignent pas de nos objectifs.
Car qu’est-ce que l’éducation populaire ?
L’éducation populaire, ce n’est pas éduquer le peuple, mais de créer des dynamiques collectives qui permettent de développer ensemble une compréhension critique de la société, se donner les moyens de comprendre le monde.
L’éducation populaire, ce n’est pas vulgariser des savoirs, fussent-ils émancipateurs. L’objet n’est pas la diffusion de savoirs, mais de favoriser l’émancipation. Pour cela, on va peut-être favoriser l’appropriation des savoirs, mais on va surtout s’attacher à produire nos propres savoirs, que l’on pourra alors croiser avec d’autres savoirs, savants ou issus de l’expérience d’autres personnes et groupes sociaux. L’objectif de l’émancipation est de sortir collectivement de la place qui nous a été assignée par les rapports sociaux. L’éducation populaire consiste en des démarches collectives, à travailler ensemble, à définir les modes d’action pour transformer ces situations que nous jugeons injustes.
L’éducation populaire, ce n’est pas une activité d’un après-midi, mais une démarche à long-terme. Elle nous invite à sortir de notre entre-soi pour aller vers des personnes et des groupes sociaux qui sont habituellement exclus des cadres de réflexion et de décision. La posture d’éducation populaire est une posture d’accompagnement. Il ne s’agit pas de transmettre, et encore moins de convaincre, mais d’accompagner la production d’une pensée critique, en partant de là où en sont les gens, et non pas de là où on voudrait qu’ils en arrivent. Les accompagnat-rices d’éducation populaire n’assènent pas des vérités, ils ne disent pas aux gens ce qu’ils devraient penser : ils invitent au questionnement, en se raccrochant au réel et aux vécu des personnes, Il s’agit, plus largement, de faciliter l’accès aux savoirs, à la culture, afin de développer la conscientisation, l’émancipation et l’exercice de la citoyenneté, "en recourant aux pédagogies actives pour rendre chacun acteur de ses apprentissages, qu’il partage avec d’autres". L'action des mouvements d'éducation populaire se positionne en complément de l'enseignement formel. C'est une éducation qui dit reconnaître à chacun la volonté et la capacité de progresser et de se développer, à tous les âges de la vie depuis la petite enfance jusqu’au séniors. Cette éducation est perçue comme l'occasion de développer les capacités de chacun à vivre ensemble, à confronter ses idées, à partager une vie de groupe, à s'exprimer en public, à écouter, etc.
Donner une définition de l’éducation populaire est difficile il en existe beaucoup, j’ai retenu celle – ci : l'éducation populaire est « l'ensemble des pratiques éducatives et culturelles qui œuvrent à la transformation sociale et politique, travaillent à l'émancipation des individus et du peuple, et augmentent leur puissance démocratique d'agir ». Christian Maurel