Lire et faire lire
L’œil du Loup, un regard aiguisé pour déconstruire les stéréotypes genrés
Etre à la fois bienveillant-e, à l’écoute des autres et de soi-même : tel est le socle pour évincer les stéréotypes et éradiquer les inégalités de genre, notamment.
Une société différenciée
Laureline Carbuccia et Johanne Ranson, co-fondatrices de l’association L’œil du Loup, ont animé une journée de formation autour de l’égalité fille-garçon et de la littérature le 15 février 2018. Elles ont entamé leur propos par un débat mouvant. Ce jeu d’éducation populaire permet un partage de points de vue autour de grandes questions comme « le cerveau des filles et des garçons est différent ». Réfléchir de manière commune, ne pas être d’accord, s’écouter et rebondir : voici les clés d’un riche débat.
Afin de revenir sur ces problématiques, nous avons ensuite visionné une conférence de Catherine Vidal répondant à la problématique suivante : « Le cerveau a-t-il un sexe » ? Pour conclure, elle affirme que chaque personne dispose d'un cerveau différent, indépendamment du sexe !
Les formatrices ont donc exposé le concept de « socialisation différenciée ». Dès la naissance, l’identité d’un bébé est construite selon son sexe. Effectivement, à deux ou trois ans déjà, l’enfant connaît les professions que l’on associe au féminin ou au masculin dans notre société du fait de l’observation de son environnement. Plusieurs sphères de socialisation induisent ces représentations qui influent alors sur la réalité : les jouets, le sport, l’école, les manuels scolaires… Dans chacun de ces domaines, on représente principalement la fille comme tournée vers le beau, l’esthétique, l’intérieur et le soin, contrairement au garçon, plus autonome, destiné à l’exploit et à l’aventure.
Ces discriminations sont étroitement liés aux processus psycho-sociaux que représentent les stéréotypes. Notre cerveau catégorise et généralise de façon automatique afin de simplifier la réalité. Ainsi, chaque être humain est-il construit avec des stéréotypes. Dès lors lorsqu’ils impulsent les filtres négatifs, cependant, ils menacent la confiance et l’estime de soi. La construction de la différence induite par le sexisme engendre des inégalités sociales, comme nous le montres le schéma :
De nombreux ouvrages de littérature jeunesse divulguent toutefois des stéréotypes de genre, engendrant indubitablement une influence dans la représentation que chaque enfant se fait de lui-même et des autres. Dans quelles mesures sont-ils présents ? Comment, alors, les contourner et les déconstruire ?
Littérature jeunesse et domination masculine
La littérature jeunesse n’est pas épargnée ! Les discriminations de sexe y sont encore surreprésentées. Une analyse de Brugeilles & Cromer sur plus de 500 ouvrages démontre de manière indubitable une domination masculine au sein des albums illustrés. 100% des livres font apparaître des personnages masculins alors que dans un quart d’entre eux, il n’y a aucune présence féminine.
Par ailleurs, le masculin est utilisé comme « neutre universel », plaçant le féminin comme sous-catégorie. Les personnages sont genrés et pour représenter un personnage fille, on ajoute simplement un attribut spécifique (barrette, jupe…).
On remarque également dans la plupart des œuvres un manque de représentativité des personnages féminins. Deux phénomènes sont à noter :
- Le syndrome de la schtroumpfette : une seule femme représente l’ensemble de la société féminine.
- Le test de Bechdel concernant les œuvres de fiction :
- Y-a-t-il deux femmes identifiables ?
- Parlent-elles ensemble ?
- Parlent-elles d’autres choses que d’un personnage masculin ?
Lorsque l’on étudie des livres et les œuvres de fiction (films, dessins animés...), on réalise que très peu d’entre eux passent le test de Bechdel. Comment construire alors sa bibliothèque de manière égalitaire ?
Déroger aux stéréotypes grâce à la construction d'une bibliothèque égalitaire
Que faire pour lutter contre ce système sexiste ? Inutile de se culpabiliser, mais essayons plutôt de réfléchir sur les stéréotypes qui nous viennent à l’esprit afin de les court-circuiter et d’éviter ainsi les discriminations qui en découlent.
Cela ne veut pas dire non plus qu’on doit arrêter de lire chaque livre qui ne répond pas positivement au Bechdel Test, cependant il faut essayer de lire davantage d’ouvrages égalitaires :
- Dévoilant une parité numérique, avec des héros et héroïnes, des personnages féminins représentant des modèles émancipateurs, indépendants, audacieux
- Légitimant l’expression des sentiments chez les filles comme les garçons (tristesse, peur, tendresse…)
- Relativisant le mythe du prince charmant (pourquoi les filles se déguisent-elles toutes en princesse et jamais les garçons en prince … ?)
- Offrant une mixité dans les rôles des personnages, les illustrations, le langage utilisé… Il faut également faire attention à ce que les petits animaux ne soient pas exclusivement féminins et les gros animaux masculins.
- Favorisant l’écriture inclusive et la féminisation des noms de métiers.
Par ailleurs, il faut éveiller les enfants au fait que la littérature jeunesse transmet des stéréotypes de genre mais que les différences de goûts et d'aspirations dépendent de chaque être humain et non du sexe des personnes.
Télécharger une bibliographie d’ouvrages jeunesse qui luttent contre la différenciation sexuée
Petits & grands, filles comme garçons, essayons de transmettre des images et modèles à la fois libérateurs et égalitaires, aventuriers et sensibles auprès de chaque personne que l'on rencontre.
Un grand merci aux bénévoles de Lire et Faire Lire, à la compagnie Traffic d’Art, à l’association de l’Union des Femmes et des Familles, au Centre Social de l'Estaque et surtout aux intervenantes de l’association L’œil du Loup.
CONTACTS
Laureline CARBUCCIA / 06 25 45 58 70
Johanne RANSON / 06 12 58 87 83